Friday, July 1, 2011

Mon aventure avec le genre « Point and Click »

Mon premier souvenir d’un « Point and Click » remonte à Maniac Mansion en 1988 ou 1989 sur Atari ST (probablement un 520STf puisque je me souviens parfaitement qu’il utilisait des disquettes). Je jouais à Maniac Mansion avec un ami et cette première expérience restera à jamais gravée dans ma mémoire. Je crois que c’est la première fois qu’un jeu me faisait aussi peur. C’est d’autant plus étonnant que je ne pense pas que les développeurs de Lucasfilm Games avaient cet objectif en tête lors de la création du titre ! Nous étions néanmoins terrorisés par les tentacules. Plus exactement, il s’agissait d’un passage particulier dans le jeu (en haut de cette carte, repérez l’écran de jeu avec 6 portes dont 1 ouverte). L’équipe des 3 héros, choisis par le joueur parmi sept, est déjà entrée dans la maison et devait grimper à l’étage. Je ne sais plus pour quelle raison, il fallait entrer dans chaque chambre pour la fouiller. Bien évidemment, elles n’étaient pas toutes inoccupées. Nous n’avions même pas 10 ans et, morts de peur, on obligeait l’autre à prendre la souris afin de ne pas être aux commandes du personnage lors de l’entrée dans la nouvelle pièce. Cette expérience n’a l’air de rien mais elle a marqué mon expérience de joueur de jeux d’aventure de type « Point and Click » puisque c’est probablement ce type d’émotions que j’ai cherché à retrouver à l’avenir, en jouant aux autres jeux du genre. Ce n’est heureusement pas mon seul attrait envers le genre car je n’ai jamais retrouvé des sensations d’une telle intensité, sauf avec un jeu sur PS3 (cf la section éponyme).

J’ai précisé « jeu d’aventure de type Point and Click » car je n’évoquerai ici que ce genre et laisserai de côté, uniquement par souci de cohérence du propos, les « visual novels » japonais même si le lien de parenté est évident et ne ferai qu’effleurer les jeux du type de Myst, sous-genre des jeux d’aventure.

Suivit alors une période faste pour ce type de jeu sur Amiga (mais aussi Atari et PC) avec les plus grandes perles de l’histoire du genre, pour moi : Indiana Jones and The Fate of Atlantis, Maniac Mansion 2 : Day of the Tentacle, Monkey Island 2 mais aussi d’autres très bons jeux comme Simon The Sorcerer 1 et 2, Kyrandia, les Gobliiins, Universe,… Ces jeux sont les dignes héritiers des jeux d’aventure textuels qui eux-mêmes étaient l’adaptation informatique des « Livres dont vous êtes le héros ». Le premier jeu à démocratiser le genre est tout de même King’s Quest de Sierra-On-Line. Ce jeu de 1983 est développé par Roberta et Ken Williams sous l’impulsion d’IBM qui souhaitait un jeu qui montrerait toute l’étendue des capacités multimédia de son futur PCjr.

Mais les perles dont je parle datent du début des années 90. Le genre s’est développé et obtient ses lettres de noblesse avec les réalisations de Lucasfilm Games, bientôt renommé LucasArts. Il est intéressant de noter que si Lucas veut bien profiter de ce nouveau marché, il refuse catégoriquement d’autoriser la sortie d’un jeu sous licence Star Wars par cette société. Il faudra attendre 1993, 11 ans après la création de la société, et X-Wing pour qu’un jeu soit édité par la compagnie officielle de Lucas. LucasArts, dans le domaine qui nous intéresse ici, est à l’origine des plus grands jeux point and click qui existent. De l’humour omniprésent aux histoires déjantées en passant par les énigmes tordues, tout est maîtrisé. Mais ces dernières ne sont d’ailleurs pas appréciées par tous. Il faut avouer que récupérer un message dans le chat de Sam & Max ou fabriquer une sorte de clé avec la queue d’un singe dans Monkey Island 2 n’est pas forcément évident. Ron Gilbert, Tim Schafer et Dave Grossman forment la Dream Team de LucasArts. Ensemble ou non, ils sont à l’origine des fondamentaux du Point and Click moderne qui prévalent jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, on a ici affaire à une bande de jeunes adultes d’environ 25 ans chacun. Doués pour l’écriture, dotés d’un humour douteux mais efficace, ils mettent aussi au point un outil informatique d’aide à la programmation des jeux d’aventure, le système S.C.U.M.M. pour Script Creator Utility for Maniac Mansion que l’on pourrait maladroitement traduire, si vous me pardonnez l’audace, par « Maniac Mansion : Éditeur de Règles Directes mais Évolutives » ou M.M.E.R.D.E.[1]. Je me rappelle avec ferveur et enthousiasme des 3 gameplays différents dans Indy 4, des multiples interactions à travers le temps pour Day of the Tentacle ou de la fin incroyablement stupéfiante d’anachronisme de Monkey Island 2.

Mais on ne peut pas décemment parler de ce type de jeu sans mentionner deux techniques secrètes que tous les joueurs connaissaient. La première technique était celle du « balayage de curseur ». Afin de repérer tous les objets avec lesquels il était possible d’interagir, le joueur pouvait, lorsqu’il se sentait vraiment trop perdu, parcourir l’écran de jeu de droite à gauche et de haut en bas, par exemple. Ceci m’a été indispensable pour Simon The Sorcerer lorsqu’il fallait trouver une boîte d’allumettes de 1 OU 2 PIXELS DE LARGE ! Mais je n’ai visiblement pas été le seul traumatisé puisqu’une touche magique permettait de repérer tous les objets de l’écran dans le 2ème épisode (que l’on retrouve plus récemment dans Monkey Island 2 : Special Edition). L’autre technique des Rois du Jeu (ou plutôt de ceux qui s’avouent vaincus) est celle de la « combinaison systématique » qui consiste à assembler ou combiner tous les objets les uns avec les autres pour voir si un résultat est possible (en général, toute combinaison possible sert par la suite, sauf en cas de développeur de jeu retors au dernier degré). Armé de ces bottes secrètes, le joueur pouvait, avec beaucoup de patience, venir à bout de tous les jeux d’aventure. Il faut dire qu’Internet n’existait pas vraiment alors et les magazines ne proposaient pas systématiquement les solutions de tous les jeux.

À partir de 1996-1997, suivit pour moi une période PC presqu’aussi flamboyante avec des jeux comme Les Chevaliers de Baphomet et sa suite, les Boucliers de Quetzalcoatl, Grim Fandango, Blade Runner, Full Throttle mais aussi une vague de jeux dits « FMV » à propos de laquelle me viennent à l’esprit des jeux tels que les Phantasmagoria et les Under A Killing Moon. Les graphismes passent en VGA ou SVGA, les jeux 2D se rapprochent de plus en plus des dessins animés, les jeux 3D arrivent. Ils sont également de plus en plus complexes, offrant des embranchements multiples, des scénarios parfois plus travaillés, plus de décors, des interactions nouvelles ou des scènes cinématiques dans lesquelles des barmen se font plaqués contre leur zinc par leur anneau de nez ! La mode éphémère des jeux FMV permit d’avoir des scènes de discussion et une ambiance plus réalistes, par définition. C’était, nous promettait-on, la technique ultime et tous les jeux s’y mettaient. Outre les Point and Click, d’autres genres y avaient recours comme les Space Opera (Wing Commander III et IV), les jeux de course (MegaRace) et plus tard les STR (la série des Command & Conquer). Ce phénomène s’est pourtant fané au bout de quelques années devant la montée de la pure 3D. Le représentant le plus célèbre de ces jeux d’aventure en 3D est certainement Grim Fandango, première œuvre en trois dimensions de LucasArts qui est pour moi un petit bijou. L’ambiance générale était originale (la fête des morts mexicaine), les personnages étaient hauts en couleur et des petits détails comme le héros qui suivait du regard les objets avec lesquels interagir facilitaient la vie du joueur. Et quelque part, on pourrait dire que le descendant lointain de ce premier jeu en 3D est Heavy Rain. Dans ce dernier aussi, on dirige un personnage dans un décor en trois dimensions, on interagit avec des objets prédéfinis et on discute avec d’autres personnages pour avancer dans le scénario. Il y a certes une forme différente (une souris et un inventaire face à une manette et des QTE) mais pour moi, la parenté est patente.

Mais trêve de digression. Pour des raisons qui, en tant que fan du genre, m’échappent encore, entre environ 1998 et 2003, une grosse période de disette de Point and Click débute. Peut-être faut-il voir dans l’avènement des FPS, genre beaucoup plus impressionnant et dans celui du jeu online, mode de jeu qui peut être plus prenant les raisons de cette désertion Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler un autre domaine du jeu vidéo que sont les Shoot Them Up, qui a lui aussi connu un âge dans les années 90[2].Il y eut bien Myst, mais est-ce encore un point and click ? On pourrait arguer du fait qu’il s’agit d’une expression simplifiée des codes du genre et que l’interaction avec des objets, les énigmes et une histoire sont techniquement toujours présentes mais le débat est ouvert.


Figure 1 Le nombre de jeux Point and Click auxquels j’ai joués en fonction de leur date de sortie en France. Source : Ma liste sur senscritique (seule la compilation des Might & Magic n’apparaît pas ici)

Voici d’ailleurs un petit graphique hautement subjectif. Il s’agit là du classement par année du nombre de « point and click » auxquels j’ai joués. Ce graphique n’a aucune valeur scientifique, ne serait-ce que parce que l’échantillon de joueurs utilisé est de « un » mais il illustre bien mon propos. Dans ce graphique, il faut évidemment nuancer toute la partie datant d'avant 1990 puisque je venais à peine de découvrir le genre et qu'il m'a fallu un peu de temps pour me découvrir une passion pour ce genre. Mais jusqu'en 1995, ma consommation augmente sans décroître. Je fais un petit abus de langage en parlant de ma consommation alors que je prends les dates de sortie officielles des jeux dans le graphique. Je n'ai pas joué à tous les point and click dès leur sortie et il y a un décalage pour certains d'entre eux mais, en général, je les ai achetés tout de même assez rapidement. L'année 1995 marque donc le déclin. Pourtant, même si c'est quantitativement ma plus grosse année, ce n'est pas forcément le cas au niveau qualitatif. En effet, 1995 est l'année de Simon the Sorcerer 2, Flight of the Amazon Queen ou The Dig. Ce sont assurément de bons jeux mais ils n'atteignent pas la qualité des meilleurs titres déjà sortis. Le déclin continue jusqu'à atteindre 0 jeux d'aventure en 1999, 2001 et 2002. Et quand on regarde les sorties du genre durant la période 1999-2002, que trouve-t-on ? Parmi les jeux un tant soit peu connus, il y eut Discworld Noir, Stupid Invaders (les Zinzins de l'espace), In Cold Blood (cité parmi les pires souvenirs de JulienC à partir de 13:10 du Podcast 16 de Gameblog - à écouter!), Amerzone, The Longest Journey, Escape from Monkey Island, et... c'est tout. Ce n'est pas tout à fait exhaustif mais presque. Arrondisson à 10, mais une dizaine de jeux d'aventure en 4 ans, c'est tout simplement incroyable lorsqu'on compare à une décennie auparavant. Quelle débandade ! D'ailleurs, on peut trouver la trace écrite de ce déclin chez Ars Technica ou Wikipedia. J’irai cependant encore plus loin en prenant comme date symbolique de retour à un succès relatif du genre la sortie internationale de Runaway : A Road Adventure en 2003. Il était déjà sorti deux ans plus tôt en Espagne, son pays d’origine mais il fallut attendre tout ce temps pour le voir débarquer en France et aux USA, puis l’année suivante en Grande-Bretagne. Ce n’est pas le meilleur point and click mais il réunit tous les ingrédients nécessaires : une belle technique qui mélange 2D et 3D dans un style cartoon, une histoire intéressante et bien menée, des personnages attachants bien qu’assez stéréotypés mais le tout est bien tenu grâce à un gameplay légèrement modernisé.

D’autres compagnies se sont alors engouffrées dans ce petit renouveau du genre. Un pari risqué mais qui fit la renommée de Telltale Games, des anciens de LucasArts qui réussirent à obtenir les droits de Sam & Max pour en faire des jeux à épisodes. Trois saisons presqu’aussi loufoques que l’original sortirent en 2006, 2007 et 2010. En fait, ils dirent même dans un de leurs communiqués de presse que c’est l’annulation de Sam & Max : Freelance Police, une suite de son mythique ancêtre qui fut à l’origine de la création de Telltale. Ils se firent ensuite une spécialité des jeux Point and Click épisodiques dans lesquels chaque « saison » est composée de 4 ou 5 épisodes de 2 ou 3 heures chacun avec une sortie en général mensuelle. Je me suis d’ailleurs jeté sur les 3 saisons en question et sur Tales of Monkey Island. J’ai vraiment aimé les saisons 1 et 2 de Sam & Max mais malheureusement, mon emploi du temps ne m’a pas encore permis de goûter aux deux autres (oui, j’ai honte). Entretemps, ils se sont légèrement diversifiés avec des jeux estampillés CSI ou un sympathique clone de Prof. Layton intitulé Puzzle Agent.

Les projets se firent toujours plus nombreux. Il y a pas mal de remakes comme Les Chevaliers de Baphomet 1 et 2 en version « Director’s Cut » ou les « Special Edition » des deux premiers Monkey Island. Ces remakes permettent d’ailleurs soit de profiter d’une version améliorée et plus complète des anciens jeux ou une version identique mais refaite en « HD » des merveilles d’antan (avec en plus un commentaire des créateurs dans le cas de Monkey Island 2). Mais ce qui m’a le plus bluffé dans cette période, c’est l’évolution des jeux flash. Partis de simples jeux basiques, le Flash a finalement permis la création de véritables jeux d’aventure complet n’ayant rien à envier à leurs ainés en quelques années. Je pense à Machinarium, Samorost 2 ou The Dream Machine. Et grâce à la portabilité intrinsèque du langage et/ou des lecteurs Flash, on s’est retrouvé avec des jeux très bien faits sur tous les supports, Windows, Max et Linux.

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[1] Désolé pour cette tentative médiocre. J’avais aussi pensé à « Créateur de Règles Artificielles pour le Cinglé Etablissement » ou C.R.A.C.E mais ce n’est pas mieux.

[2] Mais je m’arrête immédiatement ici. En effet, n’étant pas un expert en la matière, j’éviterai de m’avancer plus car je risquerai de me fourvoyer dans l’historique de cet autre pan de la culture ludo-numérique qui aurait bien entendu aussi eu son paragraphe dans ce document si j’avais eu plus d’expérience avec les Gradius, R-Type et autres Ikaruga.

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