Friday, July 1, 2011

Dreamcast : mal aimée et incomprise, la « Rémi sans famille » des consoles

Je ne sais plus exactement quand j’ai acheté la Dreamcast mais je sais que ce n’était pas à sa sortie. Est-ce dû à mon côté Nintendosexuel qui n’aurait jamais permis une telle atrocité ? Quoiqu’il en soit, il a rapidement fermé son clapet lorsque j’ai commencé à manipuler la machine et à tester ce qu’elle avait dans le ventre ! L’histoire de la Dreamcast est parsemée d’embûches et de coups bas commerciaux. Elle n’a pas réussi à y survivre et a entraîné dans sa chute toute la branche « Hardware » de SEGA, peut-être pour son bien, d’ailleurs. Mais ceci est une autre chanson. Dès la phase de conception, SEGA a choisi une voie inhabituelle. En effet, la direction a lancé 2 équipes différentes, une interne et une externe, dans la conception de prototypes afin qu’elle choisisse le meilleur. Cela a entraîné deux projets aux noms de code Katana (aussi appelé, au cours du développement, Whitebelt ou Guppy) en interne conduit par le créateur de la Saturn, Hideki Sato et Dural (aussi appelée Blackbelt et Shark) en externe, mené en collaboration avec IBM, avec Tatsuo Yamamoto à la tête du projet. Voici, au passage, une image du projet Blackbelt :

Sato décida d'utiliser le CPU SH4 de Hitachi alors que Yamamoto, basé aux USA, avait choisi un PowerPC 603e d'IBM/Motorola. Plus tard, le président de SEGA, Shoichiro Irimajiri lui demanda de changer pour le processeur Hitachi utilisé par Sato. Pour le projet Katana, l'équipe de Sato opta pour une puce graphique PowerVR du japonais NEC et Yamamoto pour une puce de l’américain 3DFX (une Voodoo 2 ou un dérivé de Voodoo 3 en fonction des sources). Une chronologie des événements concernant le choix de la carte graphique pour la future Dreamcast est disponible, où l'on apprend également l'existence d'une 3ème puce, la Real3D de Lockheed-Martin, rapidement écartée (on peut également s'apercevoir que la ribambelle des noms de code de la console en désoriente plus d'un !). Les deux puces graphiques sont issues du monde PC. En fait, à part le CPU, presque tous les éléments le sont, jusqu’au système d’exploitation optionnel basé sur Windows CE, dont les développeurs les plus talentueux se passeront volontiers afin de rester au plus près du matériel et ainsi obtenir de meilleures performances. Malheureusement pour le constructeur du Voodoo, ils furent légalement obligés de révéler cette « Dreamcast » lors d’une présentation de leurs projets en cours dans le cadre de leur introduction en bourse. Ce fut la raison officielle pour SEGA de rompre les contrats avec 3DFX et ainsi préférer le projet utilisant la puce de NEC. La raison officieuse parle d’une puce 3DFX bien trop consommatrice en énergie et qui chauffait trop, ce qui aurait obligé à concevoir une machine plus grosse et plus bruyante. Cette erreur de 3DFX permettait alors à SEGA de mettre fin à leur collaboration sans perdre la face. D'autres raisons furent aussi invoquées, comme la capacité de NEC à pouvoir augmenter rapidement la cadence de fabrication des puces si SEGA le souhaitait et la bonne expérience du géant électronique avec Nintendo pour la fabrication du CPU de la Nintendo 64.

À cette première « aventure » de la firme au hérisson bleu s’ajoute la rancœur toujours présente des distributeurs envers SEGA, comme je le mentionne dans la section consacrée à la Saturn. Mais je pense que le plus gros problème de la Dreamcast fut évidemment la Playstation 2. Sony, en concurrent agressif, a évidemment profité de l’aura de la première Playstation pour inciter les joueurs à attendre la sortie de son nouveau bébé. Et malgré les 15 mois séparant leurs sorties respectives, beaucoup de joueurs ont visiblement obéi si l’on en croit les ventes des 2 machines. Pourtant, le line up de la PS2 était pauvre à sa sortie, mais nous y reviendrons plus tard. La Dreamcast sort en effet en novembre 1998 au Japon, le 9/9/99 aux USA et le mois suivant en Europe. Sa production sera arrêtée en 2001 (avant même la sortie de la Xbox et de la Gamecube, pourtant de même génération). Ceci en fait une des consoles majeures à la durée de vie les moins longues.

La console est maintenant sortie il y a 12 ans mais elle reste dans le cœur des joueurs comme l’une des plus appréciées. Pour expliquer cela, plusieurs facteurs entrent en jeu. Technologiquement, la Dreamcast est une petite bombe, notamment, comme je l’explique plus haut, car c’est la première console à intégrer une carte accélératrice 3D. Le résultat à l’écran est immédiat. Les graphismes passent à la vitesse supérieure. L’exemple le plus probant reste sans doute SoulCalibur qui flattait la rétine comme rarement auparavant et comme jamais si l’on se restreint au monde des consoles. Pour la convivialité, elle dispose de 4 ports manette et, pour le multi-joueur, c’est une des premières consoles à disposer en standard d’un véritable modem afin de jouer sur internet. Malgré le slogan maladroit « Jusqu’à 6 milliards de joueurs », le jeu online sur console était enfin démocratisé. Techniquement, c’est une belle machine avec une taille et un bruit raisonnable. Ça n’a l’air de rien mais ça change beaucoup de choses, suivez mon regard….. Mais même si ces qualités contribuent à la magie Dreamcast, ce qui fait évidemment la véritable force d’une machine, ce sont les jeux.

Même si les éditeurs tiers n’ont pas été très actifs sur cette console voire volontairement inexistants comme Electronic Arts, cela n’a pas empêché la Dreamcast d’avoir d’excellents jeux dans sa ludothèque. Mais pourquoi, alors qu'EA a vraiment connu le succès grâce aux machines de SEGA, surtout grâce à la Megadrive, la compagnie n'a pas daigné sortir des jeux sur Dreamcast ? Une des raisons se nomme Visual Concepts. Cette compagnie californienne de jeux vidéo de sports venait d'être rachetée par SEGA pour 10 millions de dollars lorsque SEGA et EA sont en négociations, entre Bernie Stolar, Directeur Général de SEGA of America et Larry Probst, PDG de Electronic Arts, pour les droits concernant le développement de jeux sur la future Dreamcast. Les tergiversations et hésitations de SEGA sonnent pour EA comme autant de sirènes d'alarme, ce qui fait que Probst tient un discours ferme face à Stolar : EA veut avoir l'exclusivité totale des jeux de sport sur la nouvelle machine. Bernie Stolar tente d'amadouer Larry Probst en lui proposant l'exclusivité des jeux de sport pour les éditeurs tiers ou de baisser le montant des royalties mais en vain. Pour EA, la Dreamcast ne pourrait pas réussir sans eux.

Malgré cela, Visual Concepts réussit, avec la série des "2k", à sortir d'excellents jeux de sport comme NFL2k1 ou NBA2k1. De plus, si la convivialité pouvait s’exprimer grâce à nombre de jeux multi-joueurs comme les jeux de combat (Marvel VS Capcom, SoulCalibur, Dead or Alive 2, Power Stone, Street Fighter 3), les autres genres n’étaient pas en reste. Du loufoque mais dynamique Jet Set Radio (l’un des premiers jeux en Cel Shading, technique permettant d’obtenir un rendu graphique cartoon dans un jeu en 3D) aux deux Sonic Adventure en passant par les très rythmés Space Channel 5, les jeux Dreamcast savaient être originaux. Mais il n’est pas possible de parler de la Dreamcast sans évoquer le bébé de Yu Suzuki : la saga Shenmue.

Il y aurait beaucoup à dire sur Shenmue. D’ailleurs, c’est déjà le cas partout sur la toile. Je me contenterai donc de quelques lignes. Cette saga a coûté très cher à SEGA. Près de 70 millions de dollars de 2001 investis, une saga inachevée dont le 2e épisode se termine sur l’un des cliffhangers les plus abrupts qui existent, ce gouffre financier a certainement contribué en partie à l’arrêt de la construction de consoles par le fabricant (2001, l'année de sortie de Shenmue II est aussi celle durant laquelle SEGA a connu ses plus lourdes pertes sur 10 ans). Pourtant, c’est un monument des jeux vidéo. Les détracteurs lui reprochent un gameplay rempli de phases ennuyeuses comme le déplacement de livres, la conduite du « Fenwick », … Mais tout ceci fait partie de l’ambiance du jeu. Dans Shenmue, le joueur contrôle Ryo Hazuki qui part à la recherche de l’assassin de son père. Seulement, le parti pris réaliste permet à Yu Suzuki d’instaurer une ambiance particulière à ses jeux, faite de pseudo-liberté, d’une grande variété de mini-jeux et d’un sens démesuré de l’aventure. C’est simple, on EST Ryo Hazuki et c’est cette identification au personnage qui m’a le plus scotché au sort de ce pauvre hère. La présence des QTE (Quick Time Events) permet d’opérer des choix de manière dynamique et cinématographique. Certains décrièrent (et décrient toujours) cette façon de faire mais elle a convaincu plus d’un développeur si l’on en croit la liste des jeux les utilisant (Resident Evil 4, God of War, Heavy Rain, La Mémoire dans la Peau,…). Mais le plus intéressant fut celui dans lequel Yu Suzuki défie l’instinct du joueur. Le QTE en question se déroule chez un coiffeur/barbier dans Shenmue 2. Comme souvent dans ce genre de scène, la position privilégiée du barbier est propice à une mise en scène ambigüe. Si je me souviens bien d’ailleurs, ce dernier demande au joueur de ne pas bouger. Quand soudain, un QTE apparaît. D’instinct, le joueur appuie sur le bouton afin de le réussir et la partie se termine. Il fallait en fait tout simplement rester immobile et rater le QTE. Il est alors difficile de résister à des réflexes forgés par des années de jeu vidéo. Une discrète mais belle remise en question des habitudes de gamer. Il est d'ailleurs intéressant de voir la réaction de certains joueurs à propos de ce QTE.

Section précédente : Gamecube

Sommaire

Section suivante : Xbox

A lire :

Article de Gamsutra en anglais sur l'histoire de la Dreamcast

Article du mook SANQUA Spark sur l'histoire de la Dreamcast

No comments:

Post a Comment