Quelques temps passèrent après mes folles journées de jeu avec la Super Nintendo et un drame arriva dans ma vie de Nintendosexuel. Une sirène enchanteresse m'a enivré par ses atours splendides. Je découvris l’existence de l’Amiga 500. Je revendis ma SNES malgré les centaines d'heures à jouer à cette console mythique pour financer mon nouvel achat (rassurez-vous, je la rachetai « un couple » d’années plus tard) et revenir dans le cercles des utilisateurs d’ordinateur.
L’Amiga naquit dans la tête de Jay Miner. Il travaillait chez Atari et a notamment aidé à la création de l’Atari 800. En 1982, Miner propose le concept d’une console 16 bits à Atari (projet qui aboutira à l’ordinateur Amiga 1000) mais la direction d’Atari refuse car elle a peur que cette machine fasse de l’ombre à ses consoles encore bien vivantes sur le marché. Jay Miner quitte tout simplement son emploi pour poursuivre son idée seul. Enfin presque seul puisqu’il part avec Larry Kaplan pour créer la société Hi-Toro et ils seront ensuite rejoints par Robert J. Mical. Le premier est concepteur et programmeur de jeux vidéo. Son jeu le plus connu est Kaboom! sur Atari 2600 en 1981. Robert J. Mical est un ingénieur logiciel qui participera à plusieurs concepts intéressants, la Lynx et la 3DO, après son aventure avec l’Amiga mais ils n’auront qu’un succès relatif. Après ces échecs, il poursuit sa carrière plus discrètement chez Sony où il est responsable du développement de composants logiciels pour les Playstation depuis 2005. Les 3 compères obtiennent donc de l’argent d’un milliardaire texan et quelques dentistes pour construire la future console Amiga. Ils changèrent de nom car un fabricant japonais de tondeuses portant déjà celui de Hi-Toro. Ils choisirent Amiga pour sa connotation amicale et surtout parce que ce nom arrive, alphabétiquement, avant Apple et Atari. Cependant, n’avançant pas assez vite aux goûts des investisseurs, ceux-ci retirent leurs billes juste avant la présentation du prototype au CES de janvier 1984. Plusieurs boîtes se montrent intéressées dont Atari mais c’est finalement Commodore qui les rachète. Après une dure lutte entre Miner les dirigeants de Commodore, l’Amiga 1000 sort enfin, transformé en ordinateur. Malheureusement, ce n’est pas le succès espéré. Il faudra pour cela patienter jusqu’à l’Amiga 500 afin que le monde se rende compte de l’avance technologique de cette petite machine.
L’Amiga a une architecture moderne basée sur un processeur central puissant, un Motorola 680x0 qui est surtout épaulé par des coprocesseurs ultra spécialisés comme Paula, Agnus ou plus tard le jeu de chipset AGA. Les prouesses graphiques et sonores de la machine sont issues du développement initial du projet en tant que console. Ces avancées dans le domaine matériel sont parfaitement équilibrées par les performances côté logiciel. Le système d’exploitation est le premier à être un vrai multitâche préemptif et les capacités multimédia rendaient ainsi la machine plus performante à l’époque que les PC ou les Macintosh. C’était une machine parfaite pour les jeux, les demomakers et les artistes, graphistes ou musiciens.
J’ai eu 2 Amiga dans ma vie. C’est un ami qui me convainquis d’acheter tout d’abord un Amiga 500 avec sa carte d’extension de mémoire pour monter à 1Mio de RAM (un ami bien sous tous rapports puisque c’est grâce à lui aussi que je m’initierai au Mac plus tard). Je dois avouer ne plus avoir beaucoup de souvenirs marquants avec ce pauvre petit Amiga 500 car quelques mois plus tard Commodore vantait la sortie de son nouveau bébé, mon véritable Amiga : le 1200 que je ne tardais pas à me procurer.
Doté d’un nouveau processeur et surtout d’un nouveau jeu de puces graphiques nommé AGA pour Advanced Graphics Architecture, ce nouveau joujou était au moins 4 fois plus puissant que l’A500. J’économisais avec attention les 3500frs nécessaires (environ) pour l’acquisition de la machine avec un disque dur de 85Mo que je n’ai jamais réussi à remplir entièrement chez A.M.I. Le Pro, une des nombreuses boutiques de jeux vidéo du boulevard Voltaire à Paris. Je demandai même à mon père de m’accompagner en voiture car je n’avais pas du tout envie de me balader avec un paquet aussi gros et aussi cher dans le métro. Bizarrement, mon père n’était pas enchanté par l’achat d’un article d’une telle somme dans une petite boutique comme celle-ci et je le comprenais. Il vérifia donc que le HDD était bien déballé de son sachet plastique hermétique de protection devant nous et que la garantie était d’une durée raisonnable. Un an ou deux plus tard, je lui adjoignis, lors d’une convention Amiga/Jeux Vidéo/Jeux de Rôle aux abords de Paris, une carte accélératrice dotée d’un processeur 68EC030 à 28Mhz avec une carte de 4Mio de RAM, ce qui boosta les performances de mon 1200 de base qui ne contient qu’un pauvre 68EC020 à 14MHz.
L’un des gros avantages du HDD était la fin presque totale de la technique dite du « grille-pain ». Sans disque dur, il fallait évidemment changer de disquette constamment. Lorsque des jeux d’aventure comme Indiana Jones and the Fate of Atlantis ou Beneath a Steel Sky se présentent sous la forme de lots de respectivement 11 et 15 disquettes, on comprend mieux pourquoi on parle de grille-pain. D’autant mieux lorsqu’on se souvient du bruit caractéristique du bouton d’éjection des disquettes de l’Amiga, qui se rapproche de celui que fait un grille-pain lorsqu’on y enfonce les tranches de cette mousse solide. Avec des jeux fantastiques et la nouvelle génération de puces AGA, l'A1200 fut mien avec un bonheur croissant (je l'ai toujours dans un placard, bien au chaud).
Je serais bien incapable de compter les heures passées sur les jeux Amiga. Pour moi, LE jeu emblématique de la machine est Flashback créé par Paul Cuisset et édité par Delphine Software, un jeu que j'avais attendu pendant des mois avec un ami. Vous savez comme on peut parfois être déçu d’un jeu ou d’un film qu’on attend avec impatience. On se fait littéralement un film dans la tête, l’excitation monte et lorsqu’il sort, on est déçu ! Ici, il n’en fut rien. Je n'ai rien regretté de ce merveilleux Flashback. Bien sûr, les liens familiaux avec Another World sont évidents mais Flashback, pour moi, transcendait son aîné grâce à un monde qui avait l’air plus vaste (je ne parle pas du nombre d’écrans de jeu dessinés), des niveaux aux décors variés, un 2e stage « ouvert » avec une vraie vie quotidienne à occuper avec un métro-boulot-dodo de l’espace et une ambiance qui emmenait littéralement le joueur à des années-lumière de la Terre. Parfois, de simples détails peuvent faire toute la différence. C'était le cas, dans Flashback, avec la gestion des tirs. Alors que dans la plupart des autres jeux d'action comme Contra, Rush'n Attack ou Mega Man les tirs sont visibles et lents, l'équipe de Paul Cuisset opta pour une approche plus réaliste. En effet, une balle tirée par un pistolet sort du canon avec une vitesse de l'ordre de celle du son soit plus de 1200km/h. Cela veut dire qu'elle atteint un ennemi à 10m en 3 centièmes de seconde (presqu'aussi vite que X-Or mais sans ralenti). Dans le jeu, on ne voit ainsi que les produits de brûlage de la poudre sortant de l'arme de Conrad et l'impact de balle sur l'ennemi. Ce simple changement de "point de vue" renforce l'ambiance du jeu et a entraîné chez mes amis et moi une stupeur et une surprise enthousiastes envers ce parti pris réaliste. Cela nous était incroyable car c'était la première fois qu'on voyait une chose pareille dans un jeu.
Mais c’est loin d’être le seul qui m'a marqué sur Amiga. Je me souviens encore avec nostalgie des Alien Breed, ATR, Project X et autres jeux Team 17, le clone de Zelda : Speris Legacy, Brian the Lion AGA, Indiana Jones and the Fate of Atlantis (le VRAI Indiana Jones 4) ou Monkey Island 2. Je ne peux passer sous silence les heures passées devant Sensible Soccer et sa suite, Sensible World of Soccer, à gérer le FC Barcelone de 1994/1995 et faire des matchs avec des amis en utilisant des manettes Megadrive qui étaient compatibles, Cannon Fodder et son intro qui était une véritable chanson, les 2 Dune et leurs gameplays complètement différents (un jeu d’aventure et un des premiers RTS), mais aussi les demomakers de génie (Hardwired, Big Time Sensuality,…) , et même les Doom-like, censés être irréalisables sur Amiga à cause de sa conception en plans et non par pixel (si j'ai bien compris) : Alien Breed 3D, Gloom, .....
Mais s’il y a bien un aspect qui m’a marqué avec cet ordinateur, c’est la communauté active qui existait autour de lui. Des gens passionnés, prêts à s’échanger toutes les informations, les démos, les jeux. L’avantage de la plate-forme était que les développeurs eurent le temps de connaître la machine sur le bout des doigts, et furent capables de récupérer des ressources là où même les concepteurs ne l’avaient pas prévu. Tous les amigaïstes se souviennent des 7 ou 8 plans du scrolling parallaxe de Shadow of the Beast (en fait, je me souviens surtout de ça et de sa grande difficulté liée à sa jouabilité moyenne), des 72 couleurs de Jim Power ou des 256 nuances de bleu affichées par Universe de Core Design, alors que l’Amiga 500 n’était supposé pouvoir en afficher que 64. Je me souviens des possibilités offertes en matière de création aussi. Pas personnellement car je n’ai aucune créativité mais un ami maîtrisait Deluxe Paint ou Scala Multimedia et un autre était le roi du quartier pour la création de musiques MOD avec Protracker. On avait même sympathisé avec un vendeur de l’ancienne FNAC Micro, Bd St Germain à Paris. Alexandre Cavanaggia réussissait à vendre un Amiga à n’importe qui même si on venait pour un livre sur le pain grillé ! Plus tard, je trouvai ses articles et tests dans Amiga Dream mais depuis cette période, qui date d’une quinzaine d’années, je ne trouve plus trace de lui nulle part. Dommage.
Nous sommes maintenant en 1993-1994. Flashback est sorti depuis 1 an ou 2, pas plus. J'ai environ 14 ans et avec un ami (toujours le même, vous vous en doutiez), nous nous lançons dans la création d'un fanzine Amiga afin de concrétiser notre passion pour la machine sous forme écrite. Le Monde Amiga, que j'ai retrouvé et scanné récemment pour la postérité (si vous y jetez un œil, vous pourrez admirer la qualité de l’infographie et l’objectivité du ton), sort son n°0 en février 1994 pour une valeur de 10Frs. Au sommaire, des news, des tests dont celui d’Alien Breed 2, une présentation de l’Amiga CD 32 ou un comparatif entre l’Amiga 1200 et l’Atari Falcon. Nous l’avions imprimé à environ 10 exemplaires et je crois même que nous les avions tous vendus… à nos parents et à quelques uns de leurs amis ! Mais faire un fanzine, ce n’est pas si simple. Comment faire des tests ou des previews quand on est adolescents ? On avait bien couvert « à distance » l'ECTS de Londres (ce qui veut dire lire les reportages de différents magazines et faire un bilan Amiga à notre sauce), mais on voulait plus. Donc, étant donné qu'on adorait Flashback, pourquoi ne pas aller chez Delphine Software pour glaner des informations. Et à 14 ans, il est encore possible de faire des choses simplement parce qu'on ne sait pas qu’elles sont impossibles ! Donc, j’ai décroché le téléphone et appeler Mlle Delphine. Après avoir expliqué la situation à la secrétaire, elle nous a dit de passer dans leurs locaux, Boulevard Haussman à Paris ! Résultat, on s'est retrouvé avec une grosse dizaine de disquettes Amiga contenant des démos de jeux Delphine Software et 2 exemplaires du CD 2 titres de Flashback ! D’ailleurs, pour l’anecdote, quelques années plus tard, rejouant à Croisière pour un cadavre, je les ai appelés pour les féliciter d'avoir produit un tel jeu. La secrétaire m'a dit qu'elle transmettait. Je n'ai jamais su si ça a été effectivement le cas.
Et justement, s’il nous a été possible de présenter l’Amiga CD 32, c’est parce que nous en possédions un. Cet Amiga 1200 repackagé en console de salon est sorti en septembre 1993, le projet initial devenait donc réalité 10 ans après. À l’époque, ça nous a fait l’effet d’une bombe. Commodore s’attaquait au marché des consoles et partait affronter Nintendo et SEGA sur leur propre terrain. Malheureusement, je pense que nous étions les seuls à être un tant soit peu excités par cette annonce. D’après Gameblog[1], les ventes de la machine furent d’environ 1 000 000, ce qui est trop peu pour Commodore et peut-être une des raisons de la fermeture de la compagnie fin 1994. Avec le recul, il est en effet difficile de vanter les mérites de cette machine. L’Amiga 1200 est une très bonne machine et surtout très polyvalente en tant qu’ordinateur domestique, mais en tant que console de salon, qu’en est-il ? L’Amiga est, à l’heure de la Playstation, encore presqu’exclusivement tourné vers la 2D, la manette est bizarre, en forme de « cornes de taureau » avec une croix multi-directionnelle pas excellente et un plastique pas de la meilleure qualité et les jeux sont sur CD-ROM. Le résultat est que les temps de chargement ne sont pas du tout optimisés maintenant que l’option de l’installation sur disque dur est retirée. Au moins, le portage des jeux Amiga sur ce support n’a pas dû être difficile pour les développeurs. Cependant, il est vrai que, déjà cinéphile, j’avais apprécié le module FMV à sa juste valeur. Grâce à lui, il était possible de regarder des films au format Video CD. Je me souviens encore de mon Top Gun qui tenait sur 2 CD au format MPEG. Sa qualité d’image était incomparable avec ce que l’on trouvait en VHS, format qui s’use rapidement.
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